lundi 28 mai 2007

pour Nox

Nox m'a demandé

Hello,
Pour que les néophytes, comme moi, puissent comprendre la portée des arguments, serait-il possible :
  1. de faire un résumé du Lamarckisme et du Darwinisme (et/ou autre).
  2. de faire un résumé des critiques portées à l'encontre de chacune.
  3. de faire rapidement le point sur ce que cela à changé, d'un point de vue théorique (ToE VS Darwinisme "de base" par exemple)
J'ai préparé une version minimaliste pour poster à SLT, ne souhaitant pas faire diversion vers des sujets qui sortent du cadre technique, en espérant garder le fil centrer sur la théorie d'évolution en évitant les digressions philosophico-religieuses et la discussion à la con avec les personnages divers et variables qui ont des tendances anti-darwin.

La version ci-dessous est quant à elle plus proche de ce que j'avais initialement écrit et que j'ai censuré au fur et à mesure.


En étudiant le biome on observe des variations, des changements, qui ont amené à l'abandon du fixisme qui est une des expression du créationisme de base, stipulant la création de novo de chaque espèce par un créateur. On parle aujourd'hui plutôt d'évolution (changement) du biome que de transformisme, le terme qui a été initialement utilisé.

Le "comment" ces changements sont produits est du domaine scientifique (et non plus religieux) et constitue la théorie de l'évolution biologique, le "pourquoi" ces changements sont, est du domaine philosophique avec des extensions au domaine religieux.

Lamarck proposa une adaptation au milieu ambiant, avec modification de caractère héréditaires pour produire les caractéristiques nécessaires à une meilleure adaptation. Ceci sous-entend un flux d'information du milieu vers le génome (qui n'a jamais été démontré) et une volonté d'amélioration, un objectif (qui est la raison pour laquelle le lamarckisme a le vent en poupe dans les milieu néo-créationnistes); c'est une approche téléologique.
Lamarck proposa deux lois, la première portant sur l'influence de l'usage d'un organe sur son développement ou sa détérioration, la deuxième étant le postulat de l'hérédité des acquis.

Cuvier, créationniste, partisan non pas du fixisme mais du catastrophisme ("moindre mal" pour expliquer les variations observées au registre des fossiles), a été le casse-pieds attitré de Lamarck et le responsable de l'inhibition de l'évolutionnisme européen. Contrairement à ce que l'on pourrait penser en se basant sur les réactions des créationnistes de nos jours, Lamarck en a pris plein la gueule, sa théorie attaquant le fixisme qui avait la cote à l'époque. Aujourd'hui, les néo-créationnistes tentent de se servir du lamarckisme, probablement en espérant y instiller un peu des démons qui les omnibullenttravaillent.

Le génie de Lamarck réside à la proposition d'une arborescence évolutionnaire. Son erreur est le postulat que le processus de branchement est dû à l'adaptation (pour lui l'adaptation est la cause du branchement).

Plus tard, Darwin proposa une variation aléatoire des caractères (3) associée avec une sélection de facto, des combinaisons ainsi produites, par le milieu (4). Le processus de branchement de l'arbre évolutionnaire est dû à des mutations aléatoires dont certaines sont sélectionnées par le milieu; l'adaptation est une conséquence de ce processus et non plus la cause. Ceci sous-entend qu'il n'y a pas d'objectif, ni de sens, des processus évolutifs (5); c'est une approche non téléologique.

Ni Lamarck, ni Darwin n'avaient la possibilité de répondre à la question "comment ?" ça se passe. Leurs modèles ne sont à ce stade que des hypothèses intuitives essayant d'expliquer le mécanisme fondamental du processus évolutif. La différence essentielle des deux approches étant la cause de l'apparition de la diversité du biome et si l'adaptation en est la cause (Lamarck) ou la conséquence (Darwin).

Cette différence est à la base de la façon dont les deux théories sont considérées par une fraction des néo-créationnistes : le darwinisme prônant une causalité naturelle, non-directionnelle, le lamarckisme laissant une place pour un mécanisme d'adaptation d'origine déiste ou théiste (suivant les sensibilités, surnaturelle quand même) inclus dans le design du biome (voire de l'univers).

Aujourd'hui nous sommes loin des hypothèses de départ.

Mendel a apporté le premier les éléments qui ont permit la transformation du darwinisme, les lois de l'hérédité, qui montrent l'indépendance des caractères héréditaires et forment la base de la définition du "gène". La synthèse à la quelle on se réfère encore aujourd'hui en tant que néo-darwinisme intègre de darwinisme et la génétique.

Le mendélisme a apporté une nouvelle source de variance au chapitre mutations, la recombinaison génétique. On oublie souvent ce détail qui fait de la reproduction sexuée un processus d'évolution particulièrement efficace, permettant de la combinatoire à partir de quelques mutations.

Viennent ensuite l'identification des supports génétiques, de leur nature chimique et susceptibilité aux changements (mutations), puis de l'organisation de l'information génétique et de ses flux, qui progressivement ont transformé le darwinisme en néo-darwinisme, une synthèse de diverses théories qui ne se contredisent pas, mais se complètent en renforçant l'une l'autre. Aucune des additions n'a remis en cause le caractère aléatoire de l'apparition de la variation biologique, qui reste l'élément central de la théorie de l'évolution biologique.

Au fur et à mesure que le darwinisme s'est renforcé, le corpus des connaissances autour de l'évolution du biome se constituant, étant de mieux en mieux compris et surtout bénéficiant de données expérimentales qui en ont testé divers aspects, le lamarckisme s'est estompé, restant au stade d'hypothèse qui n'a jamais été validée par des données expérimentales.

Les discussions (qui peuvent être proches du pugilat par moments) au sujet de la théorie de l'évolution biologique portent aujourd'hui essentiellement sur l'importance relative des mutations et de la sélection naturelle dans le processus global de variation du biome et semblent aboutir peu à peu à des consensus au fur et à mesure qu'elle mûrissent. L'idée qu'il puisse y avoir des darwiniens forts et faibles est une vision de néo-créationniste qui ne comprend pas la théorie de l'évolution biologique, eg Jean Staune, qui en fait toute une salade dans son bouquin.

Les créationnistes ont essuyé plusieurs revers au fur et à mesure que l'évolutionnisme s'est installé, le pire étant porté par le darwinisme qui ôte la possibilité d'attribuer un caractère sacré à la causalité du processus évolutionnaire, y compris l'hypothèse d'un mécanisme d'adaptation, à la Lamarck, built-in qui aurait fait évoluer le biome vers l'homme. Il est ainsi devenu l'ennemi public n° 1 de la grande majorité des créationnistes. Certains ont réussi à s'en accommoder de façon fort pratique, en rejetant l'intervention divine soit à l'origine du biome, soit plus loin encore, à l'origine de l'univers, faisant de l'existence du surnaturel une hypothèse non testable, donc pas scientifiquement acceptable. Que quelque chose ne soit pas scientifiquement acceptable n'est pas un problème, il peut être accepté d'un tas d'autres façons. Sinon nous ne tomberions pas souvent amoureux, n'est-ce pas ? Et nous ne ferions pas d'art non plus.

D'autres ne se contentent pas de cet état des choses, pensant que la science pourrait/devrait s'accommoder du surnaturel et donc d'hypothèses gratuites, du genre du Flying Spaghetti Monster; le label "scientifique" leur semblant le seul moyen d'être pris un peu au sérieux.

Le spiritualiste qui souhaite qualifier sa démarche spirituelle de scientifique se doit d'être opposé au darwinisme, contraint (par l'évidence) à adhérer à l'évolutionnisme; souvent il adopte le lamarckisme comme voie de sortie d'un dilemme autrement insoluble. Remplaçant une hypothèse (l'existence du surnaturel) par une autre (l'adaptation comme cause de la diversification). Une hypothèse religieuse par une qui pourrait passer encore pour scientifique et qui sert de base à des édifices pseudo-scientifiques.
Je ne dis pas que l'hypothèse de Lamarck était pseudo-scientifique, mais qu'elle sert de base à des constructions pseudo-scientifiques. Du temps de Lamarck il aurait été acceptable, aujourd'hui ça me paraît ridicule.

Il est intéressant de noter que les néo-lamarckistes restent soit à l'état d'hypothèses, soit à la critique du "non expliqué", qu'ils présentent plus volontiers comme "non explicable", entendre "non-explicable par le darwinisme".
Cette attitude est également typique des néo-créationnistes de tout bord (même si tous les néo-lamarckistes ne peuvent être considérés comme des néo-créationnistes). Elle est particulièrement visible chez les néo-créationnistes du genre Intelligent Design qui se contentent de "ne pas comprendre comment le darwinisme pourrait expliquer" un cas de figure ou l'autre, le temps que les biologistes apportent une réponse, puis reculant un petit peu plus. Les deux exemples les plus célèbres restant le système immunitaire et les flagelles bactériennes, avec comme chef IDiot Michael Behe.

En général, les critiques contre la théorie de l'évolution biologique sont issues des créationnistes, partant des YEC pour en arriver à des micro-mouvements comme celui de l'UIP.

Imaginons un instant que l'on découvre un mécanisme d'adaptation comme celui imaginé par Lamarck. Par exemple qu'une bactérie se rend compte que l'infirmière apporte les cachets d'antibiotique et qu'il se met à muter ses gènes pour résister. (je sais, je caricature et alors ?). Ca serait très intéressant. Mais ça n'avancerait en rien les créationnistes, sauf si bien sûr le dit mécanisme est estampillé "Made by God".

Une critique plus originale, mais aussi inepte, est celle de Vincent Fleury, que je mentionne ici parce qu'il y a eu une longue discussion à son sujet sur les forums de SLT et que Nox l'a peut-être suivie.

Fleury traite le darwinisme de faiblard et lui reproche de ne pas traiter de la forme des animaux ! La critique est originale parce que elle ne tient absolument pas compte de ce que le darwinisme est. Suivant la même logique, que celle que Fleury applique au darwinisme, on pourrait reprocher à l'algorithmique de ne pas traiter du design des machines sur lesquelles le programmes sont exécutés. Et je ne parle pas du design externe, mais du design des processeurs.
Je comprends qu'il souhaite promouvoir ses idées, mais de là à faire affichage d'ignorance du contenu d'une théorie scientifique c'est un peu trop pour que ça passe sans commentaire.
Par contre il ne pipe pas mot quant à la façon dont sa théorie explique le caractère héréditaire des formes :-)

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