Doit-on accepter de se mettre en face de n'importe qui pour discuter ?
Je me pose la question après avoir lu la présentation que fait Jean-Paul Baquiast de The Book.
Jean Staune est à la recherche de respectabilité, qu'il espère gagner en débattant avec des adversaires qu'il considères comme convenables pour son marketing personnel. Ainsi, même quand il est mis en boîte par André Comte-Sponville il jubile. Il a débattu avec quelqu'un qui améliore sa visibilité dans les médias. Le résultat du débat (toujours philosophique, jamais orienté vers la partie "enquête scientifique" de The Book), ne pouvant aboutir à des conclusions nettes, est toujours utilisable auprès de ses groupies qui ne demandent qu'à être convaincues que quelqu'un au dessus d'eux les prends en charge.
Ainsi, quand je lui signale que notre correspondance en privée me paraît inutile parce que mon intérêt personnel est d'exposer son ignorance il rétorque que ça ne présente aucun intérêt pour lui, son intérêt étant de débattre avec des opposants bien plus connus que lui.
Est-ce souhaitable d'offrir ce glaçage de respectabilité à quelqu'un comme Jean Staune ? Je doute.
Qu'est-ce qu'il apporte sur la table du débat qui pourrait être intéressant ?
Du point de vue scientifique, terrain où souhaite se montrer compétent, je ne peux me prononcer que concernant ses tentatives anti-darwinistes. Une objectivité teintée de son a priori que le monde a été créé et que le hasard n'y est pour rien, qu'il essaie de soutenir avec les exemples les plus éculés, ayant été réfutés depuis belle lurette, et le sensationnalisme supporté par quelques scientifiques que je suspecte de suffisamment de cynisme pour qu'ils professent la controverse juste pour se montrer originaux. Prendre au sérieux JohnJoe McFadden annonçant que les mycobactéries n'ont pas de plasmides et que donc le transfert horizontal des gènes ne peut expliquer leur multi-résistance fera rigoler les biologistes, sauf Ogryzko qui prétend que la contestation d'une théories scientifiques est un dû au nom de la liberté de parole ! Le non biologiste sera peut-être convaincu que si deux éminents scientifiques pensent que Staune a raison il est peut-être possible qu'il ait raison. Ils ne mettront pas en balance le fait que pour un McFadden et un Ogryzko il y en a des milliers qui sont de l'avis opposé et qui soutiennent le leur par des résultats expérimentaux, tandis que ce que Staune rapporte ne sont que des hypothèses non testables. Lutte contre la pensée unique qui ne touche jamais les domaines qui n'ont pas un lien direct avec la spiritualité; pas de contestation au sujet de U=RI par exemple, qui relève autant de la pensée unique en sciences que la théorie de l'évolution.
Du point de vue science appliquées, son exemple de robot inapte à parcourir des paysages analogues aux "fitness landscapes" tombe en quelques minutes en démonstration pratique, pas en hypothèses et sophismes. De même que son ignorance des applications des algorithmes génétiques.
Quelle est l'attitude de Staune quand on lui "met le nez dans le caca" ?
Nier, nier, nier, avec force et conviction l'évidence qu'on place devant lui, se cacher derrières ce que, les uns ou les autres de ceux qu'il cite et considère comme ses conseillers, ont dit, prêt à rejeter la faute sur eux. Essayer de minimiser la porté des contre-exemples qui lui barrent le chemin, recourant si nécessaire à des accusations de malhonnêteté envers ses adversaires qui n'ont pas l'obligeance de le laisser faire.
Et quand on en arrive à parler théologie les choses sont pires. Baptisé orthodoxe, converti au catholicisme, se déclarant catholique hérétique (ne croyant pas au dogme de l'église catholique) fabriquant sa propre scienligion, n'ayant pas une définition de dieu ferme (qui risquerait de restreindre le nombre de ses supporteurs) sous prétexte d'éviter la pensée unique (Voir page 455 de mon livre ou je définis toutes une séries de conceptions différentes de dieu, justement pour éviter toute "pensée unique" sur ce thème. Oui, mon livre part d'une approche aussi objective que possible du réel).
Ce qui caractérise le mieux Jean Staune est l'absence de conviction autre que dieu devrait exister, ne serais-ce que pour lui donner raison, à lui. Le reste est modulable à souhait au grès des besoins et des sources de financement. Si le Discovery Institute n'est pas un partenaire financier intéressant et que la John Templeton Foundation n'aime pas l'Intelligent Design Staune sera un détracteur acharné de l'Intelligent Designer.
Est-ce souhaitable de discuter avec quelqu'un qui est tellement amorphe en termes d'arguments ?
Je pense que Jean Staune déteste le darwinisme parce qu'il le pratique et il n'aimerait pas que ses proches s'en rendent compte. Il émet un gros paquet d'hypothèses gratuites (presque aléatoires) et attend de voir lesquelles pourront survivre au fil du temps à travers les discussions diverses pour clamer qu'il avait raison, considérant même les cadavres déjà bien froids comme des alliés qui peuvent lui servir, tant que son lectorat ne sait pas qu'ils sont morts.
Il triomphe non pas quand un de ses exemples/supports a été prouvé (ce qui ne risque probablement pas d'arriver) mais quand il a évité de se servir d'un exemple qui a été clairement réfuté (voir Michael Behe et évolution des baleines).
Est-ce souhaitable de discuter avec Jean Staune ?
Oui, en commençant par présenter le manque de sérieux de son travail, le fait qu'il ne peut prétendre au titre d'enquête scientifique, en montrant le caractère subjectif de sa collection de ce qui considère les supports de ses hypothèses.Puis, éventuellement, abordant à nouveau le fait que ses hypothèses concernant un autre niveau d'existence sont exactement ce qu'elles étaient il y a un, deux ou vingt siècles. Des hypothèses gratuites.